mercredi 21 octobre 2020

Tous dans la rue en bas de chez soi à 21h pour braver le couvre-feu et gripper la mécanique répressive de Macron

Après la grande assignation à résidence présentée aux Français sous le vocable « confinement », près de 20 millions de Français, 30% de la population (Paris, Ile-de-France et 8 grandes villes) se voient interdire de sortir de chez eux de 21h à 6h, pour une durée minimum d’un mois, susceptible d’être reconduite. Cette fois, pas de précaution oratoire : celui que le spécialiste des trous noirs Jean-Pierre Luminet nomme « le dingue de l’Elysée », plutôt que de nous infliger un « enfermement nocturne » aux consonances par trop psychiatriques, n’a pas hésité à utiliser l’expression guerrière de « couvre-feu », rappelant les souvenirs douloureux de l’Occupation nazie, de la guerre d’Algérie [fâcheux “hasard”, il démarre le jour anniversaire du 17 octobre 1961, quand, sous un sinistre couvre-feu, la police de Papon envoya 400 Arabes dans la Seine] et, dans une moindre mesure, celui qui suivit les émeutes des banlieues de 2005. 

Photo Rouen dans ma rue

Chacun aura compris que cette mesure, scientifiquement stupide, humainement insupportable, économiquement destructrice, historiquement déplacée, qui entre en vigueur le 17 octobre 2020, prolonge la batterie d’injonctions vexatoires, sur le mode « Surveiller et Punir », adressée par un Pouvoir dont le plus ardent désir est de faire payer au peuple français une responsabilité dont il n’est pas redevable dans cette crise sanitaire où l’incurie, la faillite et l’absence de compassion des autorités de santé ont été totales.

Un couvre-feu qui sonne comme une déclaration de guerre

On se dispensera de rappeler qu’au lieu de profiter de l’été pour améliorer les capacités hospitalières en matière de lits de réanimation en prévision d’une deuxième vague du Covid-19 [principale raison invoquée pour justifier ce couvre-feu] et montrer par des actes forts aux personnels des hôpitaux que leur efficacité, leur dévouement, leur générosité avaient été bien entendus, le gouvernement, après avoir programmé 65 millions d’euros pour l’achat de 89 blindés (à 700.000 € pièce) destinés à la gendarmerie mobile et à écraser les révoltes à venir, vient d’augmenter le budget de la police de 325 millions d’euros et d’annoncer des primes pour les « nuiteux » (dont les 12.000 flics chargés de surveiller le couvre-feu), sur fond d’état d’urgence sanitaire reconduit en catimini par 26 godillots LREM (19 voix contre), dans un Palais Bourbon presque vide.

Ce couvre-feu sonne comme une déclaration de guerre, sur fond de politique de la peur et de liquidation des libertés publiques, dans une France (pour prendre un exemple scandaleux parmi d’autres) où des instituteurs ne sont même pas prioritaires pour passer un test de dépistage, y compris lorsque des cas de Covid-19 sont détectés dans leur classe… Au prétexte de « sauver le dispositif de traçage des cas-contacts », à défaut de juguler l’épidémie, Macron et son glacis totalitaire d’énarques veulent nous empêcher de vivre, de respirer, de nous distraire, de nous cultiver. Ces gens-là ont perdu tout sens de l’humanité. La seule chose qui compte pour eux, c’est le travail, l’économie. La seule peur qui les anime est celle de la récession. Le seul vertige qui les saisit celui de la décroissance. Sauf quand, dans un accès de cynisme ahurissant, ils laissent crever l’hôtellerie, la restauration, la culture, etc.

Face à tant d’imbécillité criminelle, que faire ?

Déprimer chez soi en regardant crever nos théâtres, nos cinémas, nos bars, nos restaurants (et tous les gens qui en vivent et les font vivre) ? Se résigner à vivre en serrant les dents dans un pays qui se tient sage (pour reprendre le titre du formidable film de David Dufresne sur les violences policières, actuellement à l’affiche) ?

Pour braver le couvre-feu : une méthode simple, pratique, agréable, susceptible de gripper la lessiveuse répressive des Lallement et des Darmacron

Pendant le confinement, on nous avait cordialement invités à applaudir les personnels soignants à nos fenêtres, à l’heure où le vampire de la rue de Ségur égrenait les morts à la télévision. Pour lutter contre le couvre-feu, et dire non à ce gouvernement de Versaillais obsédés de mise au pas et de répression, il existe une solution simple, pratique, agréable, susceptible de gripper la lessiveuse répressive des Lallement et des Darmacron, et qui vous offrira la possibilité géniale de vous faire des amis : chaque soir à 21 h à partir du 17 octobre et jusqu’à ce que prenne fin cette abomination mortifère, sortez de votre appartement, de votre maison, postez-vous, masqués et statiques (qu’on ne vous accusât pas de manifester sans autorisation !) sur votre bout de trottoir, et là, manifestez-vous, faites du bruit, criez, discutez, hurlez, gazouillez, imitez le cri de vos animaux préférés, tapez sur des casseroles, chantez à gorge déployée, par exemple ce refrain, emballant, primesautier, des Gilets jaunes :

On est là, on est là !

Même si Macron ne veut pas nous on est là !

Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur

Même si Macron ne veut pas, nous on est là !


Vous craignez de vous voir infliger une amende de 135€ ? Laissez donc vos papiers à la maison ! Il ferait beau voir que les « forces de l’ordre » embastillassent en garde à vue tout un pâté de maison, toute une rue, voire un quartier si cette manifestation de mauvaise humeur dans la bonne humeur venait à être contagieuse. Et il sera, de toute façon possible aux personnes qui le souhaiteront de réintégrer leur immeuble, au cas où les préfets enverraient la cavalerie pour châtier les contrevenants !

Quant aux 47.000 millions de personnes ne vivant pas dans les zones de guerre concernées, il va de soi qu’elles sont cordialement invitées à se joindre au tapage. Un tapage qui, s’il prenait l’ampleur souhaitée par les millions de nos compatriotes qui n’en peuvent plus de ce Pouvoir mortifère, méprisant, criminel – rêver sans prendre le risque de se faire crever les yeux reste possible en France – pourrait conduire à la destitution du petit homme taillé dans l’acier froid, coupant, de la banque, de la morgue et des ors de la rue Saint-Honoré.
À l’heure où le malfaiteur Sarkozy (père spirituel de Darmanin et maître à penser de Macron, rappelons-le) vient d’être mis en examen pour « association de malfaiteurs », il n’est que temps de crier « Macron, destitution ! »

Hervé ÉonJean-Jacques Reboux

16 octobre 2020


mardi 15 septembre 2020

Fernand Buron, paysan outragé par Sarkozy, soutient la pétition ”13 raisons pour en finir avec le délit d’outrage”

FERNAND BURON vous invite à signer la pétition inspirée du présent manifeste paru dans Libération le 4 septembre 2020, et signé par Arié Alimi, avocat, Romain Dunandcondamné à 800 € d'amende dont 600 avec sursis pour outrage à Sarkozy, Hervé Eon (condamné à 30 € d’amende avec sursis pour offense au chef de l’État ; délit abrogé en 2013, suite à la saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme), Stéphane Espic, Gilet jaune poursuivi pour outrage, Raphaël Kempf, avocat, Valérie Martinez, poursuivie pour outrage à préfet (relaxée), Maré Ndiaye, aide-soignante poursuivie pour outrage et rébellion, Emmanuel Pierrat, avocat, Philippe Rajsfus, Jean-Jacques Reboux (condamné à 150 € d’amende avec sursis pour outrage à agent), Xavier Sauvignet, avocat, Maria Vuilletpoursuivie pour outrage au sous-préfet d’Ile-de-France (relaxée en appel).

POUR SIGNER, C’EST ICI !

Pour les 13 raisons suivantes, nous demandons l’abrogation de l’article 433-5 du code pénal sanctionnant le délit d’outrage.

Le délit d’outrage, qui consiste à porter atteinte à la dignité d’un représentant de l’autorité publique ou au respect dû à ses fonctions, est proche du délit d’injure, qui appartient au régime des infractions de presse, très protecteur de la liberté d’expression. Ce n’est pas le cas de l’outrage, passible de 7.500 € d’amende et de six mois de prison, alors que l’injure à un citoyen « ordinaire » ne « coûte » que 38 €.
Cette ahurissante disproportion justifie à elle seule que ce délit obsolète, inique, soit chassé du code pénal, comme le furent jadis les délits de blasphème, d’outrage à la morale publique et religieuse, d’outrage aux bonnes mœurs, d’outrage par la voie du livre, et récemment les délits d’offense à chef d’État étranger (2004) et au chef de l’État (2013), tous deux déclarés contraires à la Convention européenne des droits de l’homme.
Pour les 13 raisons suivantes, nous demandons l’abrogation de l’article 433-5 du code pénal sanctionnant le délit d’outrage.

1. Parce qu’il y a dans la loi sur la presse de 1881 tout ce qu’il faut pour réparer l’outrage.

2. Parce que l’outrage empêche tout dialogue avec les forces de l’ordre et constitue une rupture d’égalité entre citoyens, en contradiction avec l’article 1 de la Constitution stipulant que « la République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine ». L’agent verbalisateur étant à la fois juge et victime de l’infraction, devant un tribunal c’est parole contre parole, celle du fonctionnaire assermenté contre celle du citoyen lambda, et les magistrats font rarement preuve de l’impartialité que l’on est en droit d’attendre d’eux.

3. Parce que l’outrage est utilisé par les forces de l’ordre comme un instrument de représailles pour couvrir des violences de plus en plus insupportables, allant jusqu’à l’homicide, des abus d’autorité, des gardes à vue arbitraires, qui font de chaque citoyen un coupable potentiel, quelles que soient ses origines sociales, avec un facteur aggravant lorsque les personnes contrôlées sont stigmatisées en raison de leur couleur de peau, de leurs origines ethniques, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle.

4. Parce que son existence libère la violence des forces de l’ordre et constitue une arme intolérable entre les mains de policiers qui érigent en doctrine la provocation et le mensonge, comme on a pu le constater lorsque les policiers responsables de la mort de Cédric Chouviat, pour se dédouaner d’un homicide, invoquèrent le fait que leur victime les aurait outragés.

5. Parce qu’au délit d’outrage s’ajoute fréquemment le délit de rébellion, consistant à opposer une résistance à un agent de la force publique, utilisé avec le même arbitraire et la même absence de preuves par les forces de l’ordre pour transformer les victimes de leurs violences en coupables.

6. Parce que l’outrage est utilisé à des fins mercantiles par des policiers qui arrondissent leurs fins de mois en se portant partie civile, leurs frais de justice étant intégralement pris en charge par la République.

En 2013, l’Inspection générale de l’administration évaluait à 1.000 € le coût pour l'administration de chaque plainte pour outrage.

7. Parce que l’outrage est utilisé pour faire grimper le taux d’élucidation des infractions, 6 signalements sur 10 donnant lieu à une condamnation.

Entre 2016 et 2019, le nombre de condamnations pour outrage ou rébellion a progressé de 21%, de près de 12.000 à 14.500, quand il s’agit de la seule infraction. En comptant les cas où l’infraction est couplée avec un autre délit (rébellion), le nombre de condamnations est passé de 25.000 en 2016 à près de 28.000 en 2019 (+12%).

8. Parce que l’outrage est utilisé par le pouvoir comme une arme de répression massive des luttes sociales syndicales,particulière-ment lors des manifestations contre la loi El Khomeri et la réforme des retraites. Ces abus ont pris des proportions alarmantes avec la répression brutale du mouvement des Gilets jaunes, dont plusieurs milliers ont été traînés devant les tribunaux et 800 emprisonnés, pour des motifs souvent aberrants, et la criminalisation de journalistes (Gaspard Glanz, Taha Bouhafs) et d’observateurs indépendants (LDH) couvrant les manifestations ont été poursuivis pour outrage.
Un cap a été franchi avec la gestion ultra-répressive de la crise du coronavirus et du confinement, comme on le voit avec les procès pour outrage et rébellion intentés à l’aide-soignante Maré Ndiaye (Mulhouse) et l’infirmière Farida Chikh (Paris).

9. Parce ce que ce détournement du code pénal fait de l’outrage un délit d’exception évoquant davantage un État policier qu’une démocratie, qui n’a plus sa place dans une France qui a oublié qu’elle était la patrie « des droits de l’Homme », et bafoue sans vergogne l'article 431-1 du Code pénal réprimant l’entrave à la liberté d’expression, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, lequel stipule : 
« Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. »

10. Parce que des magistrats n’hésitent plus à poursuivre des citoyens en violation flagrante de l’article 433-5 du code pénal, stipulant que l’outrage réprime des paroles ou des gestes non publics, par exemple lors des poursuites ubuesques contre les poseurs de banderoles MACRONAVIRUS.

L’actuel Garde des Sceaux Dupond-Moretti l’avait fort justement exprimé lorsqu’il obtint en 2014 la relaxe du député Henri Guaino, poursuivi pour outrage par un magistrat (pour des griefs relevant de l’injure publique et de la diffamation), son client étant condamné après appel du parquet, avis annulé par la cour de cassation.

11. Parce qu’à l’heure où des millions de Français, ne supportant plus de vivre dans la peur de cette police-là, demandent vérité et justice pour la mort de tous les Rémi Fraisse, les Lamine Dieng, les Adama Traoré, les Cédric Chouviat exécutés, asphyxiés par les forces de l’ordre, la dépénalisation de l’outrage permettrait de poser les bases d’une désescalade des violences policières, ce cancer de la société française, dans un pays où l’institution censée sanctionner les policiers au comportement délictueux ou criminel (IGPN) est juge et partie, faisant d’eux des citoyens au-dessus des lois, avec la complicité d’une justice davantage au service du pouvoir qu’au service des citoyens et de la République.

12. Parce que, loin d’aller dans le sens des mesures d’apaisement préconisées par le défenseur des droits Toubon dans son rapport de juillet 2020, le pouvoir, cédant aux menaces des syndicats de policiers d’extrême droite, met en place de nouveaux dispositifs répressifs qui ne feront qu’aggraver la spirale répressive d’une police en roue libre, bafouant son propre Code de déontologie et dont les excès sont couverts par leur hiérarchie, dans un pays où la doctrine du maintien de l’ordre a laissé place à une inquiétante militarisation de la répression, qui vaut à la France d’être interpellée par des ONG (Acat, Amnesty International) et par l’ONU.

13. Parce que le délit d’outrage, exception française avec ses relents nauséabonds d’Ancien Régime, n’a rien à faire dans une République et n’existe pas chez la plupart de nos voisins européens, ni aux États-Unis, ni dans la plupart des ex-dictatures d’Amérique latine.

Pour toutes ces raisons, juridiques, déontologiques, philosophiques, nous demandons la dépénalisation du délit d’outrage et l’abrogation de l’article 433-5 du code pénal.

IL Y A URGENCE  !

POUR SIGNER LA PÉTITION 

samedi 18 avril 2020

Paul, 85 ans, verbalisé dans l’Aisne pour être avoir ramassé de l’herbe pour ses bêtes

(Journal d’un confiné  JJR #29)

Dans la litanie des motifs ubuesques de PV pour non-respect du confinement, on aura tout eu. Le site Verbalisé parce que recense les plus croquignolets, parmi lesquels l’histoire d’Hedwig, 79 ans, venue faire un petit coucou avec son ardoise magique à la fenêtre de son mari Jean-Jacques, 93 ans, à la maison de retraite de Graulhet et dont France Bleu nous apprend que la contravention a été classée. madame la préfète du Tarn ayant eu (chose rarissime dans la profession) un éclair d’humanité.
  Pandores, flics, gardes champêtres, municipaux, le doigt sur la couture du pantalon et, j’imagine, alléchés par une inavouable prime de chiffre, appliquent avec zèle les consignes du ministre de l’Intérieur, le cynique, totalement incompétent et quelque peu psychopathe Christophe Castaner, aussi efficace dans la chasse au contrevenant confinophobe que dans la répression aveugle du mouvement des Gilets jaunes. Les radars automatiques de nos province étant en cale sèche, il faut bien ramener un peu de fraîche pour payer la douloureuse (4 millions d’euros) des 650 drones récemment commandés par la place Beauvau.
  L‘histoire suivante m’a été transmise par Virginie, via Facebook, révoltée, en colère.

Paul Emery, 85 ans, vit à Fargniers (Aisne), à proximité du canal de Saint-Quentin, où il va régulièrement pour « faire de l'herbe » pour ses bêtes. Paul, qui ne sait ni lire ni écrire, est sous tutelle et vit comme autrefois. Dès son plus jeune âge, il a travaillé à la fonderie de Tergniers et chez ALB les aciéries et laminoirs de Beautor (qui ont fermé en 2012), toujours à pied car il n’a jamais appris à faire de la bicyclette.
« L’autre matin, explique Virginie, sa belle-fille, il avait bien une attestation sur elle, mais comme elle n’est pas datée, qu’il ne comprend pas le principe du confinement et qu’il est à moitié sourd, cela aurait servi à quoi ? »
  Les policiers du commissariat de Tergnierd’implacables limiers qui s’étaient illustrés en 2018 en déjouant un dangereux gang de klaxonneurs après la finale de la coupe du monde, ont « cueilli » le dangereux contrevenant aux aurores, ce 31 mars. Avant de jeter leur dévolu sur un autre monsieur du même âge, qui a eu l’audace d’aller chercher son pain sans autorisation, en chaussons. Et, sans doute, d’autres encore…
 Comme en France, tout finit par de chansons, je vous propose de vous déconfiner quelques instants et de réécouter Georges Brassens chantant (Bobino, 1972) sa célèbre chanson Hécatombe, dont le titre, je m’en excuse par avance, sonne quelque peu lugubrement en ces temps de pandémie. Pourvu que cela ne vous donne pas des idées en cas de contrôle, bien entendu !

60 millions de consommateurs indique les démarches à suivre pour contester les PV.

Exclusif. Le classement « ConfinFrance » des préfets préférés de Castaner

Journal d’un confiné de JJ Reboux #31 

Confinement oblige, le préfet, relais indispensable de la parole gouvernementale dans nos régions éloignées de la capitale (parfois à peine civilisées, ne nous le cachons pas), a pris du galon. Un galon qui lui est consubstantiel : en effet, bien que n'étant pas considéré comme un militaire ni un policier, le préfet porte un uniforme qu’il lui est loisible de porter en toutes circonstances, généralement lors de réceptions officielles (accompagnées ou pas de remises de gerbe), où il sait se faire entourer de gens convenables (notables, chefs d’entreprise, policiers).
Le préfet – on l’oublie un peu trop – ne fait pas de politique. Le doigt sur la couture du pantalon, il obéit aux injonctions de la tutelle ministérielle.
Alors que commence le second mois de réclusion et à la demande d’honorables correspondants des confins provinciaux de la ConfinFrance (il faudra vous faire à cette sémantique), le moment est venu  de procéder au classement officiel de l’efficience préfectorale ConfinFrançaise à la date du 17 avril 2020 (J 32), selon la méthode dite du casta.quota.con.fi et, bien entendu, sur la base d’informations dignes de foi. Ce classement sera publié toutes les semaines. Si vous souhaitez porter à notre connaissance des agissements préfectoraux spectaculaires, il vous suffit d’écrire un message dans les commentaires de ce journal.  Vos informations sont précieuses. N’ayant que deux bras et une tête et ne disposant pas de secrétariat, je ne peux, par conséquent, pas être partout à la fois.
1. Didier Lallement, préfet de police de Paris
Didier Lallement possède un avantage indéniable sur ses confrères : il part de très loin, de Bordeaux précisément, où certains flics n’hésitaient pas à le taxer de « fou furieux ». À tel point que s’est posée la question : doit-on l’inclure dans ce classement, ou le laisser à l’écart, au-dessus du minus habens préfectoralis ?
Ce fils spirituel de Maurice Papon et de Philippe Pétain, dont les actions spectaculaires font épisodiquement se retourner ses maîtres dans leur tombe et dont je dresserai (J 43) le portrait  sans concessions (mais sans aucune mauvaise intention non plus) ne tient pas en place. Son antépénultième prestation – insinuer que les malades du Covid-19 en réanimation n’avaient pas respecté le confinement – lui a valu la haine du personnel soignant et un remontage de bretelles de Christophe Castaner, qui pensa un instant le remplacer par le terrible préfet Philippe Rey, qui s’était fait remarquer sous la présidence Sarkozy – comme le temps passe – par sa répression impitoyable, par voie de justice et d’outrage, des défenseurs des sans-papiers.
Dernière prestation remarquée : un laxisme, quelque peu étonnant, lorsque des prêtres intégristes ont bafoué les règles du confinement en organisant nuitamment une messe de Pâques en l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet. La messe fut dite sans intervention des forces de l’ordre.

2. Claude d’Harcourt, Loire-Atlantique
Tout comme le préfet de Paris, Claude d’Harcourt, qui s’est fait remarquer par sa brutalité  dans la bonne ville de Nantes, bénéficie d’un bilan hors-pair, comme le rappelaient en 2019 les anarcho-zadistes de Nantes Révoltée, ce qui lui confère un statut hors-catégorie. Avant d’arriver à Nantes, où il fut fait préfet par Macron et remplace la préfète Nicole Klein, qui ravagea la ZAD de Notre-Dame-de-Landes, Claude d’Harcourt, lignée noble, livret ignoble, dirigeait l’Agence régionale de Santé (ARS) de Marseille. Comportement arrogant, agressivité, humiliations, harcèlement ; le magazine Marsactu évoquera un management à la serpe. En mai 2019, D'Harcourt couvre la répression d’une fête foraine de Nantes, noyée sous les lacrymogènes.  Le 21 juin 2019, il encourage la répression brutale de la fête de la musique, qui provoquera la noyade de Steve Maio Caniço dans la Loire. D’aucuns prétendent que Claude d’Harcourt serait un fasciste pur-jus, ce qui n’est pas impossible. D’autres le disent psychopathe, ce qui est plausible mais pas certain.
Malgré ses états de service impeccables, qui ont fait saliver le ministre de la Matraque Castaner, nul n’est irremplaçable, et sa position est par conséquent amovible. Une faiblesse de sa part, et il sera impitoyablement rétrogradé. Les préfets, bien que les apparences n’en laissent souvent rien deviner, sont aussi des êtres humains.

3. Pierre Ory, Vosges
Le Vosgien, on le sait, est d’un naturel bavard, voire pipelet. Dans ce pays à l’urbanisation galopante, où les occasions de rencontrer un être humain et de diffuser des miasmes sournois sont nombreuses, il fallait prendre des mesures énergiques pour mettre un frein à l’irrépressible soif de papoter des Vosgiens. Dans un arrêté du 8 avril, Pierre Orypréfet décontracté, en fonction à Epinal depuis janvier 2018, a pris une mesure impitoyable : interdire tout rassemblement statique dans les rues, ce qui veut dire qu’on n’a plus le droit de parler à un ami croisé lors d’un déplacement dérogatoire. Dans sa grande mansuétude, le préfet a accordé une dérogation aux conversations avec son chien, et autorisé les conversations dans les files d’attente pour achat de première nécessité.

4. Thierry Couderc, Seine-et-Marne
L’homme n’a jamais tenu un fusil de sa vie et il n’est guère, comme certains de ses confrères – dont nous tairons le nom –, attiré par l’odeur du sang des manifestants. Il n’empêche ! Comme tout préfet, la tentation de l’ordre l’obsède. Et comme en ces temps troublés, il est nécessaire, pour un préfet, de faire preuve d'ingéniosité pour se faire bien voir par Beauvau, Thierry Couderc a décidé de frapper un grand coup le 3 avril. Il a donc dressé une liste de 50 chasseurs assermentés, les autorisant à traquer les promeneurs déconfinés dans les bois et forêts du département. Ce volontarisme forcené ne lui a pas porté chance : quelques jours plus tard, il était contraint de revenir sur sa décision. Il y a donc fort à parier que vous ne le retrouverez pas dans cette liste à J 39.


5. Patrice Faure, Morbihan
Arrivé dans le Morbihan en août 2019 après un parcours qui le mena sans barguigner de la DGSE à la GuyanePatrice Faure, qui ne semble pas être un mauvais bougre, s’est jusqu’ici fait remarquer par sa propension à ne pas faire de vagues.
C’était compter sans le Covid-19 ! Il vient de marquer les esprits en décrétant l’interdiction de la vente d’alcool à ces grands poivrons que sont les Bretons en général, et les Morbihanais en particulier. « Il y va de l’intégrité des individus et des familles » affirme-t-il, prétendant que moults horions alccolifères auraient semé la désolation dans les foyers. On ne saurait l’en blâmer. Les habitants de ce département, préservé du Covid-19 mais soumis à la réclusion, comme chaque ConfinFrançais, sont prévenus. Dans sa grande mansuétude, le préfet a néanmoins autorisé les alcools soft : cidre, vin, bière. Le chuchen est exclu, ce qui pourrait lui porter préjudice.

6. Catherine Ferrier, Tarn
Il aura fallu la bêtise crasse d'un gendarme pour que Catherine Ferrier figure dans ce classement provisoire et aléatoire. Le 14 avril, Hedwig, 79 ans, rend visite à son mari Jean-Jacques, 93 ans, confiné à la maison de retraite de Graulhet. Alors qu’elle communique avec son époux à travers la fenêtre, lui écrivant des mots doux sur une ardoise, un gendarme au cerveau défaillant lui dresse une contravention de 135 €. L’affaire fait le tour de la ConfinFrance, suscitant colère et indignation. Deux jours plus tard, la gendarmerie, nous apprend Le Pandore et la Gendarmerie, fait son mea-culpa et retire le PV.
Mme la Préfète, repentante mais un peu tard. Jean-Jacques, époux d’Hedwig, et leur chat
Dans un premier temps, la préfète du Tarn, contactée par la fille du couple, avait confirmé la légalité de cette verbalisation : «Même si la visite en extérieur de votre mère peut être considérée comme une assistance à personne vulnérable, un cordon sanitaire autour des Ehpad doit être absolument respecté. De ce fait, votre mère était bien en infraction. »
Ce n’est qu’après l’ébruitement du scandale que Catherine Ferrier a reconnu qu'il y avait « peut-être eu un peu d'excès »Et c’est ce qui lui vaut de figurer à cette place. Qu'on ne vous y retrouve pas, Mme la Préfète, et que cela vous serve de leçon !

mardi 24 mars 2020

“Le ministre de la Propagande agricole et des Glyphosates lance un appel aux Français désœuvrés.

Cet homme n’a jamais mis les pieds dans une bouse de vache. Grâce à une obstination de fer, il est devenu ministre de l’Agriculture. Françaises, Françaises, même si vos mains n’ont jamais travaillé la terre, aidez-nous !

Il y a fort longtemps, en des temps que les confinés de moins de 80 ans ne peuvent pas connaître, Winston Churchill, Premier ministre britannique, avait promis à ses concitoyens De la sueur, du sang et des larmes.

18 juin 1940. L’appel de Londres de Charles de Gaulle

Deux mois plus tard, alors que François Mitterrand, confiné à Vichy en compagnie de René Bousquet et de quelques vieilles barbes de La Francisque, entamait le grand-œuvre machiavélique qui le conduirait quarante ans plus tard aux plus hautes fonctions, Charles de Gaulle, confiné à Londres pour les raisons que l’on sait, lançait son fameux appel à rejoindre les Français libres, qui entreront dans la postérité sous le nom de “compagnons de la Libération”. Appel dont l’enregistrement fut subtilisé par un technicien de la BBC à la solde de Churchill (qui n’aimait guère De Gaulle, comme chacun sait).

6 décembre 1978. L’appel de Cochin de Jacques Chirac

Dans un passé plus récent, rappelons le fameux “appel de Cochin”, lancé le 6 décembre 1978 (ce qui ne rajeunira pas les anciens) par Jacques Chirac, fraîchement déconfiné de Matignon (la cohabitation avec le duo schizophrène Giscard-Destaing lui causait des crises urticantes), et qui devra encore attendre 17 ans avant d’être élu président.

23 février 2020. L’appel aux pov’cons de Nicolas Sarkozy

Il arriva aussi que Nicolas Sarkozy, se souvenant du temps où Jacques Chirac lui apprenait, dans les coulisses du congrès de Nice, à déchiffrer les cartes d’état-major du 8e arrondissement, fût tenté par des accents gaulliens. Mais cela ne lui réussit guère. L’Histoire, intraitable avec les petits, ne retint de Nicolas Minus, dont je raconte dans un roman la plongée dans la folie, que deux appels.
Travailler plus pour gagner plus et l’inoubliable Casse-toi pov’con !, qui me valut de vivre d’intrépides aventures sous l’identité de Fernand Buron, en compagnie de l’ami Hervé Éon, grâce à qui la France fut contrainte, en juillet 2013, de chasser de son code pénal le délit d’offense au chef de l’État.

16 septembre 2018. L’appel à traverser la rue d’Emmanuel Macron

On se souvient que le président Macron, plus à l’aise avec les endimanchés de Rothschild qu’avec ces “gens qui ne sont rien” qui allaient se révolter deux mois plus tard sous le nom de Gilets jaunes, avait conseillé à un jeune horticulteur ne trouvant pas de travail de “traverser la rue”, méthode efficace, selon lui, pour trouver du travail. Le jeune homme en trouva, grâce au buzz créé par l’incident, et sans avoir à traverser la rue.
Bref. S’il était encore besoin de le prouver, le niveau des adresses présidentielles avait tendance à baisser dans notre douce France, ce qui ne manquèrent pas de noter les médias français, toujours prompts à moquer notre nation d’irréductibles Gaulois bravaches et fiers !
Et voilà qu’en 2020, miracle ! À la faveur d’une pandémie de coronavirus plongeant la France et un milliard de Terriens dans un confinement physique, métaphysique et métabolique, un homme inattendu sort de l’ombre ! À moins d’être adhérent de LREM ou abonné aux réseaux sociaux, cet homme, vous ne le connaissez pas. Il s’agit de Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture de Philippe Macron, que l’on ne confondra pas avec un autre Guillaume, François, ministre de l’Agriculture de Chiracdurant sa cohabitation avec l’homme qui voyait des esprits partout.
Pas bien futé, pas plus habile avec le cul des vaches qu’avec les journalistes (on le voit ci-dessous arracher le micro d’un reporter lui cherchant querelle), très lié à Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, ce syndicat paysan dont les dirigeants gagnent 10.000 euros par mois en restant le cul dans leur fauteuil et en palpant les backchich de Monsanto, notre ministre de la Propagande agricole, des Glyphosates et de la Terre qui ne ment pas vient de lancer cet appel vibrant à la Nation, demandant aux Français désœuvrés ne supportant plus le confinement dans leur modeste HLM de migrer dans nos belles provinces afin de pallier au manque de main d’œuvre saisonnière retenue à l’étranger depuis que le généralissime Coronavirus a cloué les avions au sol.
Mais laissons la parole au ministre, dont le vocabulaire guerrier, en totale concordance avec la tonalité belliciste de la dernière allocution présidentielle, ne laisse pas douter qu’il sera entendu par ces Françaises et ces Français qui ne savent plus comment occuper leur confinement et qui n’ont pas la chance, comme ces grands écrivains que sont Marie Darrieusecq, Leïla Slimani ou Sylvain Tesson, de s’adonner aux travaux de la langue, où qu’ils se trouvent, dans leur gourbi de Sibérie, leur fermette de chaume normande, leur loft-palombière au Pays basque.

24 mars 2020. L’appel de Didier Guillaume aux coiffeurs, aux serveurs, aux hôtesses de France désœuvrés

  
« Je veux lancer un grand appel à l’armée des ombres, un grand appel aux femmes et aux hommes qui aujourd'hui ne travaillent pas, un grand appel à celles et ceux qui sont confinés chez eux dans leur appartement, dans leur maison. A celles et ceux qui sont serveurs dans un restaurant, hôtesses d’accueil dans un hôtel, aux coiffeurs, à celles et ceux qui n’ont plus d’activité, je leur dis rejoignez la grande armée de l’agriculture française, rejoignez celles et ceux qui vont nous permettre de nous nourrir de façon propre, saine. »
  Un coiffeur qui n’a plus aucune activité ne peut-il pas aller faire du travail dans les champs, ramasser les fruits, les fraises, aller dans une entreprise agroalimentaire mettre des yaourts dans des boîtes ? Il faut envisager de nouvelles solidarités.
  Il faut que les travaux des champs se fassent et, pour qu’ils se fassent, il faut de la main-d’œuvre. Nous avons besoin de la solidarité nationale pour que nous puissions tous manger. »

Reste à savoir comment pourra s’effectuer le transit de ces futures troupes citadines, dont beaucoup n’ont jamais vu en vrai un champ de maïs, un maraîchage ou un potager, vers nos verdoyantes campagnes, à qui l’infâme virus a redonné leur éclat naturel, à défaut de leur rendre le chant de ses oiseaux, le crépitement de ses insectes disparus, le tumulte de ses centres-bourg, la maternité, l’hôpital qui permet de se soigner sans avoir à faire cent bornes dans une bagnole consommant dix litres d’essence à 6,95 € au cent kilomètres.
Elisabeth Borne, ministre des Transports, n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.

Ce texte est extrait du ”Journal d’un confiné au temps du coronavirus” de Jean-Jacques Reboux, dont vous pouvez lire les autres épisodes ici.